Ouïghours : la Chine critiquée par les eurodéputés

Ouïghours : la Chine critiquée par les eurodéputés Bruno Levesque / IP3 Paris France 25 Juillet 2020 A proximite de l’ambassade de Chine place Andre Tardieu dans le 7e arrondissement rassemblement pour protester contre le genocide et la repression des Ouïghours dans la province chinoise du Xinjiang.Un manifestant avec le drapeau Premiere Republique, au Turkestan oriental, utilises par les Ouïghours comme un symbole du mouvement d’independance du Turkestan oriental Near the Chinese Embassy Place Andre Tardieu in the 7th arrondissement, rally to protest against the genocide and the repression of the Uyghurs in the Chinese province of Xinjiang.A protester with the flag of the First Republic, in East Turkestan, used by the Uyghurs as a symbol of the East Turkestan independence movement on July 25 2020 (MaxPPP TagID: maxnewsfrfour566546.jpg) [Photo via MaxPPP]

laCroix, 16 Octobre 2020

L’article ci-dessous a été publié par laCroix, photo laCroix

L’ambassade de Chine à Paris a dérapé. Dans un de ses tweets vengeurs qui avaient pourtant disparu depuis avril, elle s’en est prise au député européen Raphaël Glucksmann, à l’initiative d’une tribune publiée le 30 septembre et défendant les Ouïgours en Chine. Signée par des intellectuels, acteurs et responsables politiques (1), elle appelait la communauté internationale à des « actes puissants » et « rapides » pour faire cesser un « crime contre l’humanité ».

La réponse de l’ambassade de Chine, très courte, exhortait le député européen, très engagé depuis des années pour la cause ouïgour et contre la répression dont ils sont victimes, à « arrêter de semer des troubles sur les questions liées au Xinjiang qui relèvent entièrement des affaires intérieures de la Chine ».

« J’ai été élu pour mener ces combats pour les droits humains »

Membre de l’Alliance progressiste des Socialistes et Démocrates au parlement européen, Raphaël Glucksmann s’est une nouvelle fois insurgé dans un tweet mercredi 14 octobre contre le fait que « la Chine et la Russie sont élues au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU », alors que « des millions de Ouïgours » sont dans des « camps ».

Riposte immédiate de l’ambassade de Chine : « Aucun pays ni aucune force n’ont le droit d’y interférer et toutes les tentatives contre la Chine sont vouées à l’échec ».

Ce à quoi le député européen a répondu : « Vous ne m’impressionnez pas @AmbassadedeChine. Et vous ne pouvez donner d’ordre, ici (NDLR en France) à un élu du peuple. J’ai été élu pour mener ces combats pour les droits humains. Et je les mènerai jusqu’au bout. Alors changez de ton svp. Et surtout : fermez les camps ».

« Fermez les camps » au Xinjiang

Plusieurs députés européens lui ont apporté leur soutien dans la foulée, dont son homologue EELV Yannick Jadot qui dénonce « la pression chinoise sur les élus européens (…) à chaque fois que les atteintes aux droits de l’Homme sont exposées et combattues ».

À son tour, l’eurodéputée Nathalie Loiseau a interpellé directement l’ambassade, lui demandant si elle pense « vraiment donner une bonne image de la Chine en s’adressant de la sorte à un élu. Il y a le ton, mais aussi le fond. Le sort des Ouïgours est l’affaire de tous », a-t-elle tweeté en réclamant des « nouvelles » de l’intellectuel ouïgour condamné à la réclusion à perpétuité par Pékin, Ilhan Tohti, prix Sakharov 2019.

Boîte de Pandore

En avril 2020, déjà, en pleine crise du coronavirus, l’ambassade de Chine s’était autorisée à violemment critiquer et insulter les journalistes français qui, selon elle, « dénigrent » la Chine. Elle avait par ailleurs accusé le personnel soignant des EHPAD « d’avoir abandonné leur poste du jour au lendemain (…) laissant mourir leurs pensionnaires de faim et de maladie ».

Cette saillie avait valu à l’ambassadeur Lu Shaye une convocation au Quai d’Orsay le 14 avril durant laquelle le ministre des affaires étrangères Jean-Yves le Drian lui avait exprimé sa « désapprobation ».

À l’époque, Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) spécialiste de la Chine, s’était indigné du « silence assourdissant des députés et sénateurs des groupes d’amitié France-Chine ». Il avait parlé de « dérapage inacceptable fondé sur rumeurs, désinformations et insultes, indigne de la part de la représentation diplomatique d’un pays en France ».

Aujourd’hui, il constate que « l’ambassade de Chine en France a ouvert la boîte de Pandore car la Chine devient petit à petit un sujet du débat public et politique » en France.

(1) Parmi les dizaines de signataires de la tribune, figurent les écrivains Salman Rushdie, Roberto Saviano et Leïla Slimani, le réalisateur Jacques Audiard, l’acteur Omar Sy, le président du Parti socialiste belge Paul Magnette, l’économiste français Thomas Piketty, l’historien Patrick Weil ou la présidente de l’Institut ouïghour d’Europe, Dilnur Reyhan.