Six voyageurs poignardés devant la gare de Canton

Libération, 6 Mai 2014

Un assaillant, soupçonné par les autorités chinoises d’être un indépendantiste ouïghour du Xinjiang, a poignardé au moins six voyageurs, mardi midi, devant la principale gare de Canton. «La Chine fait désormais face à une menace terroriste très significative», explique Rohan Gunaratna, un expert du terrorisme en Asie, en commentaire à ce dernier attentat – le troisième du même genre en un peu plus de deux mois. «L’ampleur des violences au Xinjiang ne fait que s’accroître, estime Gunaratna, cité par l’AFP, et il y a désormais une contagion dans le reste du pays.»

A Canton, la police est intervenue une minute après le début de l’attaque. L’homme a été blessé par une balle tirée par un agent. La police avait auparavant fait état de plusieurs assaillants, avant d’affirmer finalement qu’il n’y en avait qu’un seul. L’homme portait une chemise blanche et un petit chapeau blanc. Une coiffe, visible sur un cliché pris par un passant, qui ressemble aux chapeaux portés par les musulmans chinois.

Cette attaque intervient moins d’une semaine après un attentat au couteau et à l’explosif devant une gare d’Urumqi, capitale de la région occidentale du Xinjiang, dans lequel sont morts deux assaillants et un civil, et qui a fait 79 blessés. Un défi direct adressé au président chinois Xi Jinping, car ce dernier effectuait au même moment sa première tournée officielle au Xinjiang en tant que chef de l’Etat. L’attaque de Canton, si elle s’avère bel et bien être aussi le fait d’un rebelle ouïghour, est un autre camouflet à la face du pouvoir. La réaction de Pékin risque fort d’être violemment répressive. Xi Jinping avait comparé la semaine dernière les «terroristes» du Xinjiang à des «rats traversant la rue».

Politique répressive

L’attentat le plus meurtrier (29 morts) s’est déroulé le 1er mars à la gare de Kunming, dans la province méridionale du Yunnan. Le modus operandi était sensiblement le même qu’à Canton, mais la police avait mis longtemps à intervenir, laissant le temps aux assaillants présumés ouïghours de poignarder davantage de voyageurs. En octobre, un attentat-suicide avait été commis place Tiananmen à Pékin, symbole du pouvoir. Trois Ouïghours venus du Xinjiang avaient précipité leur véhicule contre la Cité interdite, tuant deux touristes, selon la version officielle.

Le Xinjiang est peuplé de 9 à 10 millions de Ouïghours aux traits souvent plus européens que chinois, qui s’expriment dans une langue proche du turc, et qui sont très majoritairement musulmans. Nombre d’entre eux dénoncent la politique répressive de Pékin à l’encontre de leur culture, de leur langue et de leur religion. Beaucoup fuient la Chine plutôt que de se soumettre à cette politique d’assimilation culturelle de plus en plus draconienne.

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